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sport et pédagogie

des siècles l’âme occidentale et aux enseignements qui l’ont façonnée. Les Grecs cherchaient la santé dans un dosage avantageux de l’exercice et du repos et si nous avons ressaisi le mécanisme de l’exercice, il n’en est pas de même de celui du repos..…

Le rôle de la beauté dans la vie grecque a été certainement exagéré. Pour un peu, on nous persuaderait que le dernier des Athéniens possédait une sorte de sens Ruskinien, d’habileté spontanée à draper une étoffe ou à disposer un objet. Ce n’est guère croyable. Il est certain pourtant que le sens de la beauté était alors plus développé qu’il ne l’est de nos jours. Un accord plus ou moins parfait existait entre le paysage et l’architecture, entre l’architecture et l’homme. Là était le véritable secret de la beauté grecque alors qu’aujourd’hui l’incohérence règne entre ces trois éléments ; l’artiste ne conçoit presque jamais son œuvre en raison du site au centre duquel elle doit se trouver placée et, quant à l’individu qui fréquente l’édifice une fois élevé, l’idée ne lui viendrait même pas que ses mouvements se puissent harmoniser avec les lignes entre lesquelles ils s’encadrent. Les Grecs savaient monter un perron ; nous ne le savons plus. Ils n’avaient pas, en pénétrant dans l’Acropole, la même démarche qu’en traversant une place publique ; leur attitude au stade n’était pas la même que dans leur demeure. De cette coordination entre des silhouettes prépondérantes — celle de l’être, celle du monument, celle du paysage — naissait une impression de beauté qui agissait doucement et puissamment sur la foule. Cette beauté que nous ne connaissons plus, nous commençons à en avoir parfois la nostalgie. Quand, par hasard, un ensemble vraiment eurythmique se dresse devant nous, un frisson de joie passe en nous. C’est là l’embryon d’une renaissance, le point de départ d’un mouvement qui ira s’accentuant.

Ainsi achèvera de se dessiner le « retour à la vie grecque ». Au lieu de quelques excentricités naturistes qui difficilement s’imposeraient à tous, un courant se formera poussant à la recherche du calme, à la pratique de la philosophie, à l’effort vers la santé, à la jouissance du beau. Il n’y a rien là qui soit en contradiction avec les principes démocratiques. Bien au contraire, ces bases de la vie antique s’accommoderont à merveille d’une certaine simplicité et d’un égalitarisme relatif. Mais lorsque, sur de telles bases, la civilisation moderne aura retrouvé son équilibre, combien risquent de paraître laids et absurdes les siècles précédents. Nos fils s’étonneront, non que nous ayons vécu sous un tel régime, mais que nous en ayons si longtemps témoigné