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la chronique

La faute initiale.

Le clergé local porte la lourde responsabilité d’avoir déchaîné cette malheureuse bataille. C’est lui qui mania, avec une incomparable maladresse, la torche incendiaire. Dès que l’on parla d’élever une statue à Renan — et pouvait-on n’en point parler ? — ce fut Tréguier dont le choix s’imposa : Tréguier où il était né, où il avait souffert d’injustes persécutions, Tréguier auquel il n’avait jamais cessé pourtant de demeurer fidèle et près duquel sa fille et ses petits-enfants continuaient de résider. À peine le projet connu, le curé de la petite ville et ses vicaires partirent en guerre ; l’évêque eut le tort de les suivre ; les lettres qu’ils écrivirent passaient toute mesure. Une véhémente indignation contre le « blasphémateur du Christ » en débordait ; on se serait cru transporté d’emblée aux heures sombres de cette histoire du peuple d’Israël, que Renan a si magistralement contée, alors que des prophètes irrités lançaient l’anathème aux adorateurs du veau d’or. Déjà l’on parlait de prières expiatoires et d’excommunications majeures. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la haine que beaucoup de prêtres et de fidèles pro-