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la chronique

La genèse de son talent.

S’il fallait, de toute nécessité, pour devenir un bon historien, posséder tous les ingrédients à l’aide desquels s’était formé le talent d’Albert Sorel, ce serait à y renoncer. Jamais recette n’aurait été plus complexe. Tant par ses dispositions originelles que par sa culture, Sorel, en effet, réunissait les goûts, les connaissances et les aspirations en apparence les plus contradictoires. Il était né à Honfleur, le 13 août 1842 ; du Normand d’autrefois, homme de proie et d’astuce, il n’avait pas, quoi qu’on dise, les apparences ni physiques ni mentales ; encore moins ressemblait-il aux Normands d’aujourd’hui sinon par cette persévérance interne et quasiment inconsciente qui se manifeste dans l’âme normande et y agit à la façon d’une boussole dont les secousses et les dérangements n’arrivent pas à détourner longuement l’orientation. Comme l’aiguille aimantée revient malgré tout à sa direction fatale, de même l’idée qu’il a en tête s’impose au Normand en dépit de lui-même et parfois à son insu ; une force mystérieuse l’y ramène sans cesse. Par là, Albert Sorel fut vraiment de sa