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le roman d’un rallié

une fabrique d’instruments utilitaires et d’idées subversives. Elle s’était résignée en constatant que les objections avivaient l’attrait que le Nouveau monde exerçait sur Étienne. Et puis une chose la rassurait. Le jeune homme était fin, délicat, très sensible aux fautes de goût ; elle comptait, pour le désillusionner, sur les vulgarités de la vie yankee : elle se disait que Chicago et son Exposition auraient vite fait de le rejeter vers la vieille Europe, de dissiper les rêveries auxquelles il s’abandonnait par instants, de lui faire voir sous leur vrai jour ces innovations condamnables qui, au nom de la science et de la démocratie, mettent la société en péril.

Et ce que, tout d’abord, elle sut du voyage d’Étienne la fortifia dans cette pensée. Très fidèlement, Étienne avait rendu compte à sa mère de son existence lointaine. Il lui avait dépeint le brouhaha de New-York, le dépaysement des premiers jours, la cacophonie des sifflets à vapeur sur l’Hudson, la hâte angoissante des foules, l’abus des machines, du calcul et de la vitesse ; puis Boston et ses gracieux environs, les sinuosi-