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Page:Pierre de Coubertin - Hohrod - Roman d'un Rallié, 1902.djvu/167

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le roman d’un rallié

laissait veuve d’un homme qu’elle aimait et près de qui elle n’avait vécu que deux printemps : elle restait seule avec un grand nom à porter, une grande fortune à gérer et un enfant de dix mois à élever. Sa jeunesse avait été triste. Elle l’avait passée toute entière avec sa mère, la comtesse de Lesneven, dans ce même Kerarvro qui n’était pas encore restauré. La forêt entourait le vieux château : à travers les murs trop épais, les fenêtres trop étroites retenaient la lumière ; les appartements étaient délabrés ; sur tout cela, pesait l’histoire du terrible abbé et de sa damnation. Madame de Lesneven, qui était d’un caractère faible, craignait d’être damnée par contact et multipliait les œuvres pies et les pratiques d’austérité sans se préoccuper de la belle jeune fille qui grandissait à ses côtés. Elle avait eu la douleur de perdre successivement son mari et ses deux fils et, pour apaiser la colère divine qui s’attardait sur sa famille, elle eût volontiers permis à la fille qui lui restait de se cloîtrer. Le couvent, c’eût été la sécurité pour ce monde et pour l’autre : la paix ici-bas et le