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Page:Pierre de Coubertin - Hohrod - Roman d'un Rallié, 1902.djvu/44

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le roman d’un rallié

dormait pourtant que d’un œil : toutes les cinq minutes, il inscrivait un chiffre sur le papier placé devant lui ou tournait quelques pages d’un énorme in-folio, rempli de statistiques ; puis il retombait dans l’immobilité absolue. Le jeune Français, qu’intriguait ce manège, profita d’un échange de livres pour désigner au bibliothécaire son bizarre vis-à-vis et lui demander le numéro du catalogue social sous lequel il convenait de l’inscrire : « Oh ! répondit celui-ci, c’est Tom Banners, un agent électoral bien connu. Son action est immense. On ne sait pas tous les trucs que recèle son cerveau. Sûrement vous n’avez rien de pareil chez vous ! » — Étienne sourit. C’était la phrase usuelle que, depuis son arrivée aux États-Unis, il entendait douze fois par jour, l’éternelle comparaison avec l’Europe, plus ou moins adoucie dans la forme, jamais exempte d’une petite pointe de naïf orgueil ou de dénigrement inconscient, même quand il s’agissait d’un agent électoral, trompeur de profession et peut-être véreux. Il prit le troisième volume de Bancroft et, retourné à sa place, étouffa un bâille-