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nos lycéens

pas faire de jaloux, à imposer ce costume à tous les Français de douze à dix-huit ans. Il ne serait pas permis alors aux écoles libres d’imaginer des vestons en draps de fantaisie souples et élégants, qui ont tous les avantages de l’uniforme sans les inconvénients ; ces innovations choquent l’égalité et donnent à penser aux étrangers que les pupilles de l’État sont moins robustes, moins dégourdis et moins gracieux que les autres Et chacun sait que c’est tout le contraire.

Malgré cette ressemblance universelle que la tunique et le képi donnent aux lycéens on ne tarde pas à les ranger en catégories, à mesure qu’ils passent, et à constater qu’ils présentent trois types parfaitement caractérisés. Ce grand, mince, un peu voûté, qui marche comme accablé sous le poids d’un destin féroce, c’est un affalé : il donne l’impression d’une morne résignation, du renoncement à la lutte ; dans ces cerveaux-là doivent passer des envies de liberté, des velléités de fuite qu’ils sont trop faibles et trop indécis pour réaliser. Cet autre appartient à la catégorie des inquiets : son regard est agité, remuant, ne se pose jamais ; on dirait qu’il se sent perpétuellement en faute et cherche à éviter l’œil du maître. Et celui-là enfin, glorieux, fendant, exubérant, un peu débraillé, parlant haut, très commun d’aspect, loustique et mal élevé, ne le reconnaissez-vous pas pour l’avoir vu