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appendice

pas le seul à m’être posé cette question — comment il se faisait que les doctrines qui forment l’ensemble du programme de la réforme sociale n’aient pas eu, jusqu’à l’heure présente, d’action décisive sur la société française : proclamées par un homme illustre dont le nom est universellement connu, appuyées sur des Sociétés dont les rouages simples et ingénieux favorisent la propagande, défendues aujourd’hui par des citoyens convaincus et dévoués, que manque-t-il donc à ces doctrines pour devenir prépondérantes et régénérer le pays ? C’est que les doctrines de Frédéric Le Play sont éminemment raisonnables et qu’elles s’adressent en somme à un peuple qui ne l’est pas. Pour adhérer à ces conclusions et à ce programme réformateur, il n’est pas besoin d’être un grand génie, d’avoir des capacités particulières, un coup d’œil d’aigle ni des connaissances infiniment étendues : il suffit d’avoir du bon sens, un peu de modération dans la pensée, un peu de tolérance dans le jugement et pas trop d’idées préconçues ; ces qualités sont exceptionnelles chez les Français, qui affectent même de les mépriser comme trop bourgeoises. Est-il élégant, je vous le demande, d’entrer dans une Société qui consent à discuter avec ses adversaires, ne rêve pas un bouleversement général et n’a même pas songé encore à se choisir un signe de ralliement ? Ah ! si les Unions possédaient une fleur emblématique, leur succès eût été bien autre ; tel n’est pas le cas et le nombre est petit de ceux qui sont enrôlés sous leur bannière ; ce nombre s’accroît, mais trop lentement.

Eh bien, la réforme sociale est à faire par l’éducation ; ce n’est pas sur les hommes, c’est sur les enfants qu’il faut travailler pour en préparer le triomphe en leur donnant les qualités d’esprit qui les rendront aptes à comprendre, les qualités de caractère qui les rendront aptes à exécuter la transformation dans laquelle votre illustre fondateur a vu le salut du pays.