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conférence de m. de coubertin

CONFÉRENCE



Mesdames, Messieurs,

Je voudrais que ma première parole fût un compliment à l’adresse de votre Compagnie, et malheureusement ce qui me vient aux lèvres tout d’abord c’est une excuse. Il est vrai d’ajouter que, jusqu’à un certain point, l’excuse contient un compliment : si je ne savais en effet à quel point vous êtes accoutumés à voir paraître dans cette enceinte des hommes éminents et à entendre tomber de leurs lèvres de la véritable éloquence, je ne sentirais pas d’une façon aussi cruelle l’insuffisance de ce que je vous apporte ce soir.

Je sais à peu près ce que je veux vous dire, c’est déjà quelque chose en ce sens qu’il y a de par le monde, des assemblées où les orateurs montent à la tribune sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Mais comment je vais exprimer ce que j’ai à dire, voilà qui demeure incertain dans mon esprit, j’ai honte de l’avouer. Des circonstances tout à fait indépendantes de ma volonté font que je n’ai pu donner à cette conférence la préparation que j’aurais voulu, digne de la circonstance et de l’auditoire. Ma première pensée est donc de réclamer toute votre bienveillance et toute votre indulgence et je suis sûr, n’est-ce pas ? que je puis y compter.

Messieurs, parmi les événements si importants et si inattendus qui ont rempli l’histoire du xixe siècle, il en est un qui m’a toujours semblé plus important et plus inattendu que tous les autres, c’est la résurrection de la Grèce.

Vous vous rappelez comment la nouvelle qu’il y avait encore des Grecs dans le monde fut accueillie en Europe avec une stupéfaction profonde. Les hommes d’État qui gouvernaient alors n’en croyaient pas leurs yeux et ils mirent leur lorgnon pour contempler plus facilement l’étonnant spectacle. La prétention de se dire les héritiers des Spartiates et des Athéniens, leur paraissait une dérision chronologique. Vous connaissez le mot de M. de Villèle (qui pourtant n’était pas un imbécile), disant à la Chambre des Députés