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action morale et sociale des exercices sportifs

le bien-être, c’est le plaisir physique intensif[1]. Or le sport produit du plaisir physique assez intensif pour être qualifié de voluptueux. Nombre de sportifs l’attesteront ; il atteint volontiers le double caractère impérieux et troublant de la passion sensuelle. Sans doute, tous ne l’éprouvent pas à ce degré. Il y faut certaines qualités corporelles d’équilibre ainsi que l’ardeur durable et aussi l’absence de préoccupations étrangères et de retenue qui est à la base de toute exaltation des sens mais cette exaltation, tel nageur, tel cavalier, tel escrimeur, tel gymnaste vous diront qu’ils l’ont souvent ressentie. Ainsi l’ivresse de la vague, du galop, du combat, du trapèze… n’est rien moins qu’une ivresse de convention. Elle est à la fois réelle et définie ; elle a cette supériorité qu’elle n’est jamais artificiellement provoquée par l’imagination et rarement déçue par la satiété. Il existe donc une volupté sportive qui pacifie les sens, pas seulement par la fatigue mais par la satisfaction. Elle ne se borne pas à les neutraliser. Elle les contente.

Enfin voici un troisième point de vue qui s’applique au besoin à l’adolescence mais surtout à l’âge adulte et encore à l’âge mûr. Il est une passion à visages multiples dont le rôle dans la vie est beaucoup plus considérable qu’il n’y paraît tout d’abord ; c’est la colère. Colères diffuses contre les injustices, la malchance, les malentendus… colères contre soi-même

  1. Cette nécessité n’est pas de toutes les époques parce qu’elle n’est pas essentiellement animale. Dès lors les temps de spiritualisme ou d’ascétisme dominants en peuvent éteindre momentanément l’aiguillon. Mais dès que la nature humaine traverse une phase de liberté corporelle, pour ainsi dire, la dose de plaisir physique intensif redevient indispensable au bon fonctionnement vital de l’individu.