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la mission des va-nu-pieds.

que ce Tello d’Apéry est un être aussi admirable qu’il est exceptionnel et qu’on ne peut raisonner sur son cas sans s’égarer. Eh bien ! cela est faux. Il y a chez lui assurément une intelligence d’élite et un dévouement rare à ses semblables ; mais, moins en vue, moins complets, moins aptes à entreprendre et à réussir, il y en a beaucoup sur la terre d’Amérique qui ont fait des choses analogues, à l’âge où nos enfants finissent de jouer au cerceau et commencent à se regarder dans un miroir. Celui-ci n’est pas une exception, c’est un perfectionnement. Et n’allez pas croire qu’ils cessent, pour cela, d’être enfants, qu’ils se prennent au grand sérieux et font les petits hommes. Ils sont moins savants, mais ils ont le sens de la vie ; en Europe, à vingt ans, on ne l’a jamais, et à cinquante ans, on ne l’a pas toujours.

J’en reviens à cette mission des va-nu-pieds qui a poussé des rejetons à Montréal, à Londres, à Bruxelles. Je voudrais vous dire son budget. Entre avril 1889 et avril 1894, elle a reçu 11 136 paires de chaussures et 5 216 dollars (26 080 francs). Elle a dépensé en charités de tout genre 4 400 dollars (22 000 francs) ; pour ses arbres de Noël, 2 000 dollars (10 000 francs) ; pour son loyer, 2 344 dollars (11 720 francs) et pour son entretien 300 dollars (1 500 francs). Les frais d’installation se sont élevés à 740 dollars (3 700 francs). Le déficit a été de 22 930 francs ; les bénéfices du Sunny Hour y ont pourvu ; ils ont été assez considérables pour le couvrir entièrement.