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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/111

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souvenirs d’amérique et de grèce.

Olympie a remué trop de désirs, concentré trop d’efforts, fixé trop d’existences pour que, même disparue, sa blanche silhouette ait cessé d’attirer les regards et de les charmer. Il y a des spectacles qui s’incrustent si profondément dans les yeux des peuples que, très loin dans les âges, leurs descendants les voient encore, confusément, au fond d’eux-mêmes. Les fêtes pompeuses des bords de l’Alphée ne sont jamais sorties de l’histoire ; le monde en a oublié le sens : il n’en a jamais perdu le souvenir.

Olympie s’enfonça lentement dans sa tombe : on sait qu’après l’invasion d’Alaric, ses temples subsistaient encore. Théodose ii les livra aux flammes ; au fanatisme stupide des hommes s’ajouta la force brutale des éléments : les tremblements de terre de 522 et de 551 achevèrent l’œuvre de destruction. Il resta un misérable village et une citadelle byzantine. Les hordes slaves, les chevaliers croisés, les marchands vénitiens foulèrent ce sol devenu quelconque. Qui sait pourtant si ces ignorants ne cherchaient pas des vestiges de l’enceinte sacrée et si le nom d’Olympie ne sonnait pas dans leur esprit comme l’écho lointain d’une fanfare triomphale et mystérieuse ? Le souci de la retrouver hanta de bonne heure les esprits les plus divers : Montfaucon, Winckelmann, Richard Chandler, Fauvel, Lord Spencer Stanhope On ne songeait pas encore à toute la science que la terre recèle et déjà on voulait fouiller là comme si l’âme de la Grèce antique s’y fût ensevelie avec les chefs-d’œuvre de ses artistes. Delphes et Éleusis n’étaient que des sanctuaires ; les Thermopyles évoquaient le