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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/166

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lettres olympiques.

le sauvage défilé où se dresse maintenant le monastère byzantin de Daphne, et voici qu’au moment où elle va atteindre le sanctuaire de Demeter, elle s’évanouit brusquement comme ces « intersignes » qui causent de mortelles frayeurs aux marins bretons et qui, en disparaissant, font entendre, dit-on, un éclat de rire strident et moqueur. Cherchez, cherchez le secret qui tourne autour des tronçons de colonnes, se cache aux angles des terrasses, fuit sur la pente des escaliers, s’évade par les interstices du roc. Vous qui avez su restituer des Acropoles, mettre des dates sur les couvercles des sarcophages et des noms sur les socles des statues, vous qui avez médité sur les vieux textes et dont les déductions savantes ont comblé des lacunes sans nombre, cherchez ce que veulent dire ces grandes lettres noires devant lesquelles la vapeur asservie déverse des curieux empressés qu’elle recueille ensuite songeurs et déçus. En venant, chacun d’eux avait son idée sur les prétendus mystères ; en repartant ils n’ont plus que l’incertitude. Il a suffi, pour ébranler leur facile confiance, d’une heure passée dans les décombres de marbre, à écouter le flot et la brise qui savent, eux, et gémissent de ne pouvoir parler.

Maintenant, le train longe une montagne dénudée. Derrière l’île de Salamine que nous avons tournée, l’Hymette apparaît, très loin, dans une vapeur molle. De grandes barques de pêche, à voiles triangulaires, couleur de sang, flottent sur l’eau bleue. Comme le vent est tombé, ceux qui les montent ont pris les avirons et rament, demi-nus, d’un mouvement sac-