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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/188

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kerkyra.

comme une Arche de Noé abandonnée au pied d’un Ararat fleuri.

Une petite fille à la peau brune, à l’air sauvage, nous a suivis et nous contemple avec une impayable gravité. Elle n’est pas sans avoir vu déjà des barbares dans son arsenal et ne peut s’étonner que les barbares aiment à manger, pendant leurs promenades, ces délicieuses oranges de Kerkyra, fondantes et sucrées. Mais elle se demande d’où nous venons et pourquoi nous venons.

Nous venons des Jeux Olympiques, ma petite. Tu ignores ce que c’est, et tu ne le comprendras jamais. Pourtant ton frère, qui n’est guère plus âgé que toi, est là-bas, dans le village, qui joue à couronner ses camarades avec des branchages d’olivier et il sait vaguement que, ce qu’il fait là, le Βασιλεύς l’a fait, il y a deux semaines, dans Athènes, la grande ville, en présence d’une multitude d’hommes de tous les pays du monde ; il sait qu’aux temps lointains où vivaient les grands ancêtres dont son père se réclame, ce même geste apportait de la gloire sur le front des jeunes gens et symbolisait le contentement de la patrie envers les fils qui la servaient bien.

Le tableau est digne d’un peintre de renom et d’un poète inspiré. Ils sont là douze gamins, très excités par ce jeu nouveau, mais impressionnés en même temps parce que Yorgi, leur chef, les dirige avec une sorte de lenteur solennelle, comme s’il accomplissait une mission sacerdotale. Ils ont organisé des courses à pied et lancé un gros caillou plat en manière de disque, et maintenant c’est la procession des vain-