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souvenirs d’amérique et de grèce.

nationale, se rendait à travers les jardins, puis le long de la cour d’honneur jusqu’au dôme central : Là, sur une esplanade, se trouvait la fameuse cloche de la Liberté, épave des grands jours de la Révolution et dont le voyage de Philadelphie à Chicago s’était accompli au milieu d’une si curieuse ovation, la foule s’encombrant aux gares pour voir passer la cloche, lui jeter des fleurs et lui présenter les enfants Auprès d’elle, on trouvait invariablement le maire de Chicago, Harrison, celui-là même qui devait périr un peu plus tard sous le poignard d’un fanatique. Il s’était constitué le gardien de cette cloche, et, après un échange de discours et de civilités, il la faisait tinter en l’honneur de l’État dont c’était la fête. Ensuite, le cortège se débandait au travers de l’exposition, chacun portant fièrement à la boutonnière ou sur l’épaule des insignes compliqués ou de grands rubans de satin multicolores.

Ces cérémonies, qui se renouvelaient assez fréquemment, causaient beaucoup d’hilarité parmi les Européens ; les cochers nègres, les panaches, la naïve emphase de la promenade, le chapeau mou du maire Harrison prêtaient aux quolibets ; mais il arrive souvent que les choses risibles ont un grand fond de sérieux et que les peuples, comme les enfants, symbolisent en leurs amusements ce qui se passe dans le tréfonds de leur âme.