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le mouvement universitaire aux états-unis.

règles. Chaque spectateur tient en main un petit drapeau aux plis soyeux, une écharpe ou même un simple mouchoir aux couleurs de « son Université », orange et noir pour Princeton, bleu pour Yale. Les rivalités universitaires sont intenses maintenant aux États-Unis et elles ont un caractère d’hérédité. Le fils va terminer ses études là où le père a achevé les siennes, dût-il, pour cela, franchir d’énormes distances. Il m’est arrivé d’assister, à San Francisco, à un banquet donné par le Harvard club. Plus de soixante hommes de tout âge étaient présents, tous anciens étudiants d’une alma mater qui est située aux portes de Boston, à cinq jours de chemin de fer de l’autre côté des montagnes Rocheuses.

Ces rivalités produisent parfois chez les enfants d’amusantes exagérations. Je me trouvais un jour à Princeton, chez mon ami le professeur Sloane, le célèbre historien. Le plus jeune de ses fils, un bambin de sept ans, entendit sa mère expliquer que le capitaine de l’équipe de Yale était son parent ; le Thanksgiving Day était proche et les pronostics allaient leur train. Le petit garçon ne put en croire ses oreilles ; il se fit confirmer le fait, puis tout ému s’écria : « Alors le Capitaine de Yale est notre cousin ! Quelle honte ! ( What a shame ! ) » Nos éclats de rire le déconcertèrent un peu et on lui expliqua ce qu’est l’esprit chevaleresque et comment on doit respecter son adversaire — même au foot-ball.

Ces solennités athlétiques, et l’intérêt qu’y prennent étudiants et professeurs n’enlèvent rien à Princeton du caractère sérieux qui la distingue. On y travaille