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le mouvement universitaire aux états-unis.

d’entre elles ; il ne s’aidait d’aucun document et, par conséquent, courait risque d’oublier plus d’un donateur. Sa mémoire lui fournit, en quelques instants, un total de 250 millions de francs. Or, cette richesse présente n’est rien à côté de celle qui va s’accumuler d’ici à vingt ans. Les testaments qui seront ouverts pendant cette période porteront les traces de l’attachement passionné que les anciens étudiants d’une université — les alumni, comme on les nomme — conservent à leur alma mater. Ceci est un sentiment nouveau. On ne fondera plus guère d’universités parce que le besoin ne s’en fait plus autant sentir. Les philanthropes dirigent plutôt leur générosité vers les œuvres charitables. Ceux qui donneront désormais, ce seront les alumni et ils donneront à leur université, par reconnaissance et par esprit de camaraderie.

L’opinion sait cela et s’en réjouit. La popularité des universités est incroyable ; elle se traduit par mille détails qui sont parfois ridicules et souvent touchants. Au Congrès, les députés qui en sont restés au high school se donnent une peine infinie pour faire croire qu’ils sont des college men. À New-York, à Philadelphie, une réunion n’est point complète si l’on ne peut offrir à ses invités a party of college students (collège aux États-Unis est synonyme d’université). Le bas peuple partage ces sentiments ; on dirait qu’il pressent la grandeur future de la patrie dans ces agglomérations de jeunes gens dont beaucoup sont des boursiers et resteront pauvres. Car voilà le phénomène, voilà le point de séparation des deux routes entre lesquelles, depuis que le monde est monde,