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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/83

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souvenirs d’amérique et de grèce.

nies officielles, prennent pour thème de leurs discours le mot de « Républiques sœurs ». C’est un mot vide de sens : il ne correspond à aucune réalité. Notre régime politique parait incompréhensible aux Américains ; ils saisissent beaucoup mieux l’organisation allemande et l’évolution japonaise leur semble plus logique que la nôtre. Les violences de nos députés, les « révélations » de notre presse à scandales, la perversion de nos romanciers, les bizarreries maladives de certains de nos artistes, voilà ce qu’ils savent de la France moderne. C’est notre faute, il est vrai. Mais il existe une autre France, patiente, laborieuse, honnête et énergique dont ils ne savent rien parce que celle-là s’est toujours tenue loin d’eux.

Que de fois en ouvrant l’Inter Ocean de Chicago, ou le San Francisco Examiner, et surtout ces journaux locaux qui reproduisent en les amplifiant les élucubrations de leurs grands confrères, j’ai relevé sur mon pays des informations où je croyais sentir la malveillance de l’ennemi le plus acharné ! Les hommes qui publiaient ces choses, il m’arrivait ensuite de les rencontrer et parfois de les trouver sympathiques à la France. Mais la notion de la décadence française était enracinée chez eux, d’une manière qui faussait leur jugement et leur faisait interpréter de travers toutes les nouvelles reçues d’Europe. Cette notion a pénétré le monde universitaire ; la langue française a reculé et la science française a perdu son prestige. Les historiens eux-mêmes ont été amenés à diminuer dans le passé l’action de la France. Bancroft avait inauguré ces ingratitudes historiques. Le pro-