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universités transatlantiques.

dont les moindres paroles sont répétées, dont les moindres pensées sont drainées. Un journal américain intéresse toujours ses lecteurs en leur parlant de ces heureux du jour et surtout en leur donnant le chiffre de leurs revenus. Le millionnaire est le type, l’idéal ; il constitue pour les jeunes ce qu’était Roland au moyen âge ou Lauzun sous Louis XIV. On lui prête une sorte de pouvoir mystérieux et, quand la fatalité l’écrase, il y a comme une stupeur générale : c’est ce que traduisait dernièrement un reporter en inscrivant en tête du récit d’une catastrophe ces mots étrangement philosophiques : « Un millionnaire brûlé vif ! tous ses millions n’ont pu le sauver ! »

De quel abaissement moral et de quelle pourriture une société où l’argent exerce un tel empire ne devrait-elle pas porter l’empreinte, selon la logique européenne ? Eh bien, non ! Cette société de Chicago aime les belles choses, elle vibre au contact des sentiments nobles, elle poursuit son achèvement moral en même temps que son enrichissement ; elle monte, en un mot. Lisez le livre de M. de Varigny sur les Grandes Fortunes aux États-Unis ; il fait passer devant