« L’exclusion de la Crète estropie l’État grec physiquement et moralement ; elle le rend faible et l’appauvrit ». Ainsi s’exprimait le prince Léopold de Saxe Cobourg en refusant le trône auquel fut appelé à sa place le prince Othon de Bavière. Cette critique résume en quelques mots toute la question grecque : l’égoïsme jaloux des puissances qui, après avoir laissé se poursuivre pendant des années une guerre inique, y mirent fin en créant un État trop petit pour vivre — la volonté tenace et indomptable du peuple hellène qui sut néanmoins faire de cette émancipation incomplète et injuste le point de départ d’une renaissance totale. Presque un siècle devait s’écouler pour la Grèce ressuscitée avant que ces conditions d’existence se modifiassent. En vain les Crétois s’insurgèrent-ils à maintes reprises pour obtenir le retour à la mère-patrie. L’Europe terrorisée par la crainte d’avoir à régler la succession de « l’homme malade » (comme on appelait dès lors l’empire ottoman) ne songea qu’à comprimer les plus légitimes aspirations helléniques. Lorsque le Congrès de Berlin, en 1881, eut enfin sanctionné l’abandon à la Grèce de la Thessalie et d’une moitié de l’Épire, l’obstination turque s’exerça si bien que la décision du tribunal européen ne fut pas exécutée ; de guerre lasse, on dut se contenter à Athènes d’une insignifiante rectification de frontières.
Les institutions politiques subirent le contre-coup de cette situation. Le roi Othon n’ayant point réussi, le prince Georges de Danemark avait été appelé au trône (1863). Sous son règne de plus de quarante cinq ans, le petit royaume ac-