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mais ne se manifesta pas sous forme d’invasion. Ce fut, si l’on ose ainsi dire, une infiltration pesante. Elle vint d’Illyrie et revêtit un caractère barbare. Ces peuplades illyriennes étaient franchement anti-helléniques ; les Hellènes se retirèrent devant elles. De l’Épire à la Macédoine tout le pays fut barbarisé et l’Adriatique, du nord jusqu’à Durazzo, resta fermée à l’Hellénisme. Détachés de ces groupes et leur servant comme l’avant-garde étaient les Doriens qui parlaient une sorte de grec. Il y a là un certain mystère. On peut admettre pourtant qu’il s’agissait d’anciens Aryens isolés, devenus barbares et dont le langage s’était conservé mieux que le caractère. Leur résistance ethnique, en effet, apparaît alors très faible. Leur randonnée conquérante s’exécuta avec une extrême lenteur. Ils occupèrent successivement la Thessalie, la Béotie, l’Argolide. Ils mirent cent ans à soumettre le Péloponèse et ce n’est qu’au ixe siècle qu’ils atteignirent la Crète, Rhodes et sur la côte d’Asie-Mineure, la péninsule de Carie. Partout là firent-ils souche ?… guère. Delphes demeura, en pleine terre dorienne, un sanctuaire hellène et non dorien. À Olympie, le culte et les jeux s’hellénisèrent rapidement. Les admirateurs du soi-disant « génie dorien » sont forcés d’admettre que l’Attique lui demeura toujours hostile et qu’en Béotie, en Argolide, en Thessalie même, la culture hellénique l’emporta finalement sur le dorianisme. Résultat heureux, car voici ce que très justement Ad. Reinach écrit des Doriens : « Craignant l’esprit, soupçonneux de tout ce qui sort de la règle, confiants uniquement dans la force, les Doriens, tant qu’ils restaient fidèles à l’esprit de leur race, n’étaient