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poussées divines qui honorent à jamais le cerveau humain et lui ont fait franchir les horizons de la vie. On a dit justement que Sainte Sophie avait non seulement consacré l’avènement d’un art nouveau, mais haussé du premier coup cet art à un niveau insurpassé. Construite de 532 à 537 par Isidore de Milet et Anthemius de Tralles sur l’ordre de Justinien qui en surveillait lui-même les travaux, la radieuse basilique pénétra de stupeur et d’admiration les contemporains. Avec sa coupole audacieuse, ses absides, ses colonnades superposées, ses marbres polychromes, ses mosaïques, ses émaux, ses lustres et ses six milles candélabres, elle dépassait en magnificence ce que les imaginations surexcitées par sa construction avaient attendu. Elle innovait surtout à tous les degrés : conception, exécution, décoration. Certes depuis Constantin l’art byzantin « se cherchait » si l’on peut ainsi dire. Mais la basilique primitive avec son portique extérieur, ses trois nefs, son plafond de bois ou ses charpentes apparentes ne conduisait que bien indirectement aux splendeurs prochaines. Et quant à prétendre trouver en Asie la source des inspirations qui provoquèrent l’élan byzantin, cela ressemble un peu à cette assertion que le fronton du Parthénon fut conçu en regardant les monts qui dominent Athènes. Qu’importent ces recherches ? Ici et là, le génie se révèle et le génie n’a pas besoin qu’on lui découvre des parentés. Par contre, il laisse toujours derrière lui une progéniture ; celle-ci fut innombrable. De St Marc de Venise au Kremlin de Moscou, la descendance artistique byzantine a engendré des merveilles qui rivalisent entre elles