Aller au contenu

Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
CHAPITRE V.

dignes de lui. Mais Hésiode ne les avait point destinés à figurer là où on les a intercalés. Les derniers vers de la Théogonie, à partir du vers 963, sont, suivant certains critiques, une transition ajoutée après coup, à l’aide de laquelle on avait rattaché la Théogonie au poëme intitulé Catalogue des Femmes ou Grandes Eées. Au reste, on n’aperçoit pas, dans la Théogonie, de lacunes très-importantes. Pour avoir dans toute sa pureté l’œuvre d’Hésiode, il suffit de faire des retranchements, et de réduire le poëme de cent cinquante vers plus ou moins.

Un poëme si court, et qui se compose, pour la plus grande partie, d’une énumération de noms propres, ne pouvait manquer de pécher par la sécheresse. En effet, on voit qu’Hésiode ne s’est guère proposé d’autre dessein que de rédiger un catalogue raisonné des divinités reconnues de son temps, et de dresser, pour ainsi dire, l’arbre généalogique de la famille divine. Souvent les noms viennent à la suite l’un de l’autre, sans plus d’apprêt, et le poëte disparaît complètement derrière le nomenclateur. Mais d’ordinaire chaque divinité est caractérisée par quelque trait rapide emprunté à sa légende, ou tout au moins marquée de quelque poétique épithète. Quelquefois enfin Hésiode donne à sa veine un plus libre cours, et la laisse s’épancher en récits mythologiques dignes de la véritable épopée.

Je transcrirai le début du poëme proprement dit, pour donner une idée du ton général de l’ouvrage : « Donc, avant toutes choses fut le Chaos, et ensuite la Terre au large sein, inébranlable demeure de tous les êtres, et le ténébreux Tartare dans les profondeurs de la terre immense, et l’Amour, le plus beau des dieux immortels, l’Amour qui amollit les âmes, et qui règne sur tous les dieux et sur tous les hommes, domptant dans leur poitrine leur cœur et leurs sages résolutions. Du Chaos naquirent l’Erèbe et la noire Nuit. La Nuit enfanta l’Éther et le Jour, fécondée par les caresses de l’Erèbe. La Terre produisit d’abord le Ciel étoilé, égal en grandeur à elle-même, afin qu’il la couvrît tout entière, et qu’il fût éternellement l’inébranlable demeure des dieux bienheureux. Puis elle produisit les hautes montagnes, gracieuses re-