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HÉSIODE.

traites des nymphes, qui habitent les monts aux gorges profondes. Elle enfanta aussi Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnants, mais sans goûter les charmes du plaisir ; puis ensuite, ayant partagé la couche du Ciel, elle enfanta l’Océan aux gouffres profonds, et Cœus, et Crius, et Hypérion, et Japet, et Thia, et Rhéa, et Thémis, et Mnémosyne, et Phoebé à la couronne d’or, et l’aimable Téthys. Après tous ceux-là, elle mit au monde l’astucieux Saturne, le plus terrible de ses enfants, et qui fut l’ennemi de son vigoureux père. Elle enfanta de plus les Cyclopes, etc.[1]. »

Hésiode énumère les autres enfants du Ciel ou d’Uranus et de la Terre. Puis il raconte la querelle d’Uranus et de ses fils, comment Saturne mutila son père avec la faux qu’avait forgée la Terre elle-même, et comment du sang d’Uranus mutilé naquirent d’autres divinités, et parmi elles Aphrodite. Puis vient la longue énumération de tous les autres dieux dont la naissance remontait, suivant la tradition, à l’époque qui avait précédé le règne de Saturne et la mutilation d’Uranus. On voit ensuite Saturne dévorant ses enfants, Rhéa sauvant Jupiter, et celui-ci, avec l’aide des Titans, c’est-à-dire des fils d’Uranus et de la Terre, renversant Saturne à son tour, et établissant son empire sur les hommes et sur les immortels. La querelle de Jupiter et des dieux nouveaux contre les divinités titaniques occupe presque tout le reste du poëme. C’est dans cette partie surtout qu’Hésiode, entraîné par le sujet, a donné carrière à son génie poétique, sans s’inquiéter beaucoup s’il restait dans les justes proportions d’un épisode. On dirait qu’il a voulu faire oublier quelque Gigantomachie d’un des aèdes qui l’avaient précédé. Je regrette que le morceau soit trop long ; je voudrais le transcrire en entier : l’immensité du champ de bataille, la grandeur de la lutte, la nature des combattants, donnent à ce tableau quelque chose de sombre et d’étrange, qui ne ressemble à rien de ce que nous a transmis l’antiquité. Je cite seulement quelques traits :

« Les deux partis déployaient leur audace et la vigueur de

  1. Théogonie, vers 116 et suivants.