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POÉSIE ÉLÉGIAQUE.

énergie d’expression. Le poëte rappelle aux Spartiates qu’ils sont de la race d’Hercule, et que Jupiter n’a point encore détourné d’eux ses regards. Il insiste longuement sur les avantages de la bravoure, et il peint de couleurs saisissantes l’ignominie de la lâcheté. Le brave ne périt pas toujours ; le lâche ne sauve pas toujours sa vie. « Mais c’est laide chose, dit Tyrtée, qu’un cadavre étendu dans la poussière, le dos percé par la pointe de la lance. » Viennent ensuite les conseils du soldat sur l’ordre de bataille, et sur la façon dont il faut porter les coups. Cette portion de l’élégie est un peu technique, et perdrait presque tout mérite dans la traduction. Je ne puis cependant m’empêcher d’en citer quelques mots, qui forment un tableau achevé : « Tenons-nous ferme, les jambes écartées, les deux pieds bien posés sur la terre. Que les dents mordent la lèvre ; que le ventre du large bouclier protège en bas les cuisses et les jambes, et en haut la poitrine et les épaules. Brandissons dans la main droite la lance terrible ; jetons l’épouvante en agitant l’aigrette qui surmonte notre tête. »

La troisième élégie commence par un nouveau panégyrique de la vertu guerrière. Le poëte place la bravoure au premier rang des biens de ce monde. A mourir comme à vivre, le brave recueille un fruit inestimable de son dévouement. Dans le premier cas, « tous, dit Tyrtée, jeunes gens et vieillards, le pleurent à l’envi, et la ville entière est affligée d’un cuisant regret. Et son tombeau et ses enfants sont renommés parmi les hommes, et les enfants de ses enfants, et sa race dans la postérité. Sa noble gloire ne périt jamais ni son nom ; mais, quoique étant sous la terre, il demeure immortel… Si au contraire il échappe à la mort qui étend les corps sur la terre ; si, vainqueur, il emporte une noble réputation de vaillance, tous l’honorent, jeunes et vieux ; et c’est après avoir été comblé d’honneurs qu’il descend aux enfers. Vieillissant, il brille d’un lustre éclatant parmi ses concitoyens. Par respect et par justice, nul ne songe à lui nuire. Tous, pour lui faire place, se lèvent de leur siège ; tous indistinctement, les jeunes gens et ceux de son âge, et ceux qui sont nés avant lui. » La conclusion de Tyrtée, c’est qu’il