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CHAPITRE VIII.

plus. Autrement, pour posséder en maître tant de trésors, pour régner sur Athènes un seul jour, il eût consenti à être ensuite écorché vif, et à voir sa race périr tout entière. » Plutarque cite encore la ferme et noble réponse du grand citoyen à toutes les imputations de faiblesse ou d’incapacité, et le témoignage qu’il se rend à lui-même : « Si j’ai épargné ma patrie, car la violence impitoyable de la tyrannie n’a pas souillé mes mains ; si je n’ai point terni ni déshonoré ma gloire, je ne m’en repens point. C’est par là surtout que je l’emporte, ce me semble, sur tous les hommes. » Il est probable que les deux passages sont tirés du même morceau. Cette apologie était rédigée en forme d’épître, et Solon l’avait adressée à un de ses amis, nommé Phocus.

Le plus long fragment des ïambes de Solon, qui n’a pas moins de vingt-six vers, est aussi une apologie politique, mais plus solennelle, et dont les premiers mots sont un appel au témoignage de la Terre, la meilleure des divinités de l’Olympe. Solon rappelle les mesures par lesquelles il a rendu à leurs possesseurs les domaines engagés, et ramené dans Athènes les débiteurs que leurs créanciers avaient vendus comme esclaves, ces infortunés « qui ne parlaient plus la langue attique, à force d’avoir erré çà et là par le monde. Pour ceux, dit encore le poëte, qui subissaient ici même une infamante servitude, et qui déjà tremblaient devant des maîtres, je les ai rendus libres. Ces choses, je les ai faites par l’association puissante de la force et de la justice ; et j’ai accompli tout ce que j’avais promis. » Il ajoute que bien d’autres, à sa place, auraient songé à toute autre chose qu’à l’intérêt public, et n’auraient eu cesse ni fin qu’ils n’eussent tout brouillé pour satisfaire leur ambition et leur cupidité. Il se félicite hautement d’avoir méprisé toutes les critiques, et de n’avoir pas voulu, c’est son expression même, se comporter en loup parmi les chiens.

Je n’ai point tout dit sur les œuvres poétiques de Solon. Je n’ai pas même mentionné le poëme de l’Atlantide, que Solon avait ébauché, et qu’il avait laissé là, soit, comme le prétend Platon, que d’autres soins l’eussent distrait de son œuvre ; soit, comme le veut Plutarque, qu’il eût été empêché