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CHAPITRE XI.

du cerf, et qui demeura esclave de l’homme. Platon raconte, dans le Phèdre, que Stésichore devint aveugle, pour avoir composé un poëme où la vertu d’Hélène n’était pas assez respectée : « Il reconnut sa faute, dit le philosophe, et il fit aussitôt ces vers : « Non, ce récit n’est pas vrai ; non, tu n’es point montée sur les vaisseaux, au solide tillac, et tu n’es point arrivée à Troie. » Après avoir composé le poëme qu’on appelle Palinodie, il recouvra la vue sur-le-champ[1]. » Il est fort possible que Stésichore ait perdu, puis recouvré la vue ; mais tout ce que je veux conclure de l’histoire dont Platon a égayé son dialogue, c’est que Stésichore aimait à se jouer quelque-fois de son art, et qu’il ne restait pas toujours sur les hauteurs de l’épopée.


Ibycus.


Ibycus de Rhégium est surtout connu par la légende dont sa mort a fourni le texte. Les enfants mêmes ont entendu conter comment il fut assassiné par des brigands sur une grande route, et comment il prit à témoin, contre ses meurtriers, une troupe de grues qui passait dans les airs. Quelque temps après, les brigands étaient à Corinthe, sur la place publique. Un d’eux s’écria, dit-on, en voyant passer des grues : « Voilà les témoins d’Ibycus. » Les Corinthiens attendaient Ibycus, et Ibycus ne paraissait point. Le propos du brigand parut suspect. On dénonça aux magistrats l’homme qui l’avait tenu et ceux qui l’accompagnaient. Les meurtriers sont saisis, mis à la torture ; ils confessent leur forfait et en subissent le châtiment. Quoi qu’on puisse penser d’un tel récit, il reste toujours avéré qu’Ibycus n’est point mort dans sa contrée natale, et qu’il poussait ses voyages plus loin que la Grande-Grèce et la Sicile. Il avait même vécu quelque temps à la cour de Polycrate, tyran de Samos. Par conséquent, l’époque où florissait Ibycus se place autour de l’an 530 avant J. C., c’est-à-dire assez longtemps après la mort du poëte d’Himère.

Ibycus semble avoir été d’abord un émule, sinon un imita-,

  1. Platon, Phèdre, page 243 des Œuvres.