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CHAPITRE XI. LYRIQUES DORIENS.

plus violentes invectives ; mais il faut dire à son honneur qu’il exalta la vertu d’Aristide. Voici comment Plutarque, dans la Vie de Thémistocle, nous renseigne sur la personne de Timocréon : « Timocréon le Rhodien, poëte lyrique, fait dans un de ses chants, un reproche bien mordant à Thémistocle : il l’accuse d’avoir rappelé les bannis pour de l’argent, tandis que, pour de l’argent, il l’avait abandonné, lui son ami et son hôte. Je vais citer les paroles de Timocréon : « Loue, si tu veux, Pausanias ; loue Xanthippe, loue Léotychide ; moi, c’est Aristide que je loue, l’homme le plus vertueux qui vint jamais d’Athènes la grande. Pour Thémistocle, ce menteur, cet homme injuste, ce traître, Latone le déteste. Lui, l’hôte de Timocréon, il s’est laissé corrompre par un vil argent, et il a refusé de ramener Timocréon dans Ialysus sa patrie. Oui, pour le prix de trois talents d’argent, il a mis à la voile, l’infâme ! ramenant injustement ceux-ci d’exil, bannissant ceux-là, mettant les autres à mort ; du reste, repu d’argent. Et, à l’Isthme, il tenait table ouverte ; avec quelle lésinerie ! il servait des viandes froides, et l’on mangeait en souhaitant que Thémistocle n’allât pas jusqu’au printemps. » Mais Timocréon lance contre Thémistocle des traits plus piquants encore, et il le ménage moins que jamais, dans un chant qu’il fit après le bannissement de Thémistocle, et qui commence ainsi : « Muse, donne à ces vers, parmi les Grecs, le renom qu’ils méritent et que tu leur dois. » On dit que Timocréon fut banni pour avoir embrassé le parti des Mèdes, et que Thémistocle opina pour la condamnation. Aussi, lorsque Thémistocle subit la même accusation, Timocréon l’attaqua-t-il en ces termes : « Timocréon n’est pas le seul qui ait traité avec les Mèdes. Il y a bien d’autres pervers, et je ne suis pas le seul boiteux ; il y a d’autres renards encore. »

On voit que la poésie du Rhodien, un peu rude et brutale, ne manquait ni de verve ni d’esprit.