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LYRIQUES IONIENS. SCOLIES.

un salaire, sa muse au service du premier venu : « Simonide lui-même, à ce que j’imagine, dit aussi Platon dans le Protagoras, a souvent cru qu’il était de son devoir de louer et de combler d’éloges tel tyran ou tel grand personnage ; non qu’il s’y portât de plein gré, mais forcé par une nécessité de bienséance. » Ce n’est pourtant pas un reproche que Platon adresse à Simonide ; ce n’est que le commentaire d’un mot de Simonide lui-même : Je ne suis pas enclin à la censure.


Génie lyrique de Simonide.


Quintilien apprécie assez légèrement le mérite littéraire d’un homme qui balançait, dans l’estime des Grecs, même le grand Pindare ; d’un homme qui passait chez ses contemporains pour le favori des dieux, et dont un jour les Dioscures préservèrent miraculeusement la vie, selon cette légende fameuse que la Fontaine a rendue familière à notre enfance : « Simonide, dit le rhéteur latin, maigre d’ailleurs, peut se recommander par la propriété de la diction et un certain charme dans le style. Toutefois c’est à exciter la pitié qu’il excelle principalement ; en sorte que quelques-uns le préfèrent, sous ce point de vue, à tous ceux qui ont traité des sujets analogues aux siens. » Il faut se rappeler que Quintilien se borne à indiquer, parmi les poëtes et les prosateurs célèbres, ceux dont la lecture peut être utile à un orateur, ou plutôt à ce que nous nommons un avocat, et qu’il ne fait guère, la plupart du temps, que transcrire les jugements des critiques alexandrins, sans se donner la peine de les contrôler lui-même. Il est évident que beaucoup de ces écrivains ne sont pour lui que des noms, ou, si l’on veut, qu’il ne connaissait qu’assez superficiellement leurs ouvrages.

On ne saurait sans injustice refuser à Simonide une place éminente parmi les poëtes les plus heureusement doués et les plus habiles dans l’art de charmer les hommes. C’est lui qui a donné la forme définitive à ces hymnes de triomphe (έπινίκια) qu’on chantait en l’honneur des vainqueurs des jeux publics. A l’origine, quelques vers suffisaient pour