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CHAPITRE XIV.

grand ouvrage. Le poëme philosophique d’Empédocle était aussi un περὶ φύσεως, un traité de la Nature.

Il reste des vers assez nombreux cités par les anciens sous le nom d’Empédocle. Ceux que j’ai transcrits plus haut sont à peu près les seuls qui puissent conserver dans une traduction quelque chose de leur mérite. Les autres sont presque tous du genre didactique. Le style en est nerveux, animé, riche en métaphores ; mais des obscurités souvent impénétrables ôtent à ces précieux débris une grande part de leur intérêt littéraire, et rebutent à chaque pas le lecteur. Si nous étions moins ignorants, ou si nous possédions quelque long morceau du περὶ φύσεως, peut-être acquiescerions-nous au jugement de quelques anciens, qui comparaient Empédocle poëte à Homère ; peut-être proclamerions-nous, avec Lucrèce, que la Sicile n’a jamais rien produit d’égal au philosophe d’Agrigente.


Pythagore.


Une autre école de philosophes, fondée à Crotone quelque temps avant que Xénophane établit la sienne à Élée, l’école ou plutôt la secte pythagoricienne, ne méprisait pas non plus le culte des Muses. Il est douteux que Pythagore lui-même ait jamais rien écrit. Comme Thalès avant lui, comme après lui Socrate, il se contentait de communiquer aux autres, par un enseignement oral, les vérités auxquelles il avait foi. Mais ses disciples écrivirent pour lui ; quelques-uns même publièrent sous son nom leurs propres ouvrages. Rien ne se prêtait mieux à revêtir les couleurs de la poésie que les nobles doctrines morales prêchées dans la Grande-Grèce par le réformateur samien. Ses rêveries mêmes sur la nature de l’âme et sur ses destinées, et cette théorie des nombres qui faisait de l’univers une grande harmonie, étaient aussi de riche, matières sur quoi pouvait s’exercer le talent des poëtes.

Quand l’association pythagoricienne, qui s’était peu à peu étendue par toute l’Italie méridionale, eut encouru la haine des soupçonneux tyrans de la contrée, et qu’elle fut dissoute par la violence, ceux des adhérents qui avaient échappé à la mort portèrent dans la Grèce proprement dite les doctrines de