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CHAPITRE XV.

qu’on y prisait le plus, et l’épithète d’obscur est souvent accolée, chez les anciens, au nom d’Héraclite. Mais ce reproche d’obscurité s’adressait probablement au philosophe beaucoup plus qu’à l’écrivain, à la doctrine beaucoup plus qu’au style.


Anaxagore.


Anaxagore de Clazomènes, qui fut le maître de Périclès, tira la philosophie des fausses spéculations où l’avaient engagée les Ioniens et les Éléates, et établit le premier que le monde n’était pas le produit d’une force aveugle et brutale : « Aussi, quand un homme proclama, dit Aristote, que, comme dans les animaux, il y avait dans la nature une intelligence, cause de l’arrangement et de l’ordre universel, cet homme parut seul jouir de sa raison, vu les divagations de ses devanciers. » Anaxagore avait écrit en prose, et dans le simple dialecte ionien à la façon d’Anaximène, un περί φύσεως dont les débris considérables nous permettent de nous faire une suffisante idée et de la tournure d’esprit de l’auteur, et du caractère de sa diction. L’argumentation d’Anaxagore est serrée, et les parties en sont disposées avec art. Il procède en général par synthèse, énonçant d’abord la proposition à démontrer, et administrant la preuve ensuite. Il n’y a rien chez lui qui ressemble à des périodes. Ses phrases sont courtes, mais non pas hachées : des particules forment la liaison et des phrases entre elles et des membres de phrase entre eux.

Voici le début du livre d’Anaxagore : « Toutes choses existaient à la fois, infinies en nombre et en petitesse, car le petit était infini ; et, tandis que toutes choses existaient à la fois, aucune n’était apparente, à cause de sa petitesse. Car l’air et l’éther sont les plus grandes choses en nombre et en grandeur qui soient dans le tout. » Voici la phrase où le philosophe caractérise l’esprit, et celle où il peint le plus nettement l’action de l’esprit dans le débrouillement du chaos : « Les autres choses sont une partie distincte du tout ; mais l’esprit est infini, indépendant ; il ne se mêle à aucune chose, et seul il ne relève que de lui-même… Quand l’esprit eut