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CHAPITRE XVI.

fût, de sa nature, courageux et brave, il serait, par l’effet des institutions, détourné d’employer sa bravoure. Une grande preuve de ce que j’avance, c’est qu’en Asie, les Grecs et les barbares qui ne se soumettent pas au despotisme, et qui se gouvernent par eux-mêmes, sont les plus guerriers de tous ; car c’est pour eux-mêmes qu’ils courent les dangers, et eux-mêmes reçoivent le prix de leur courage ou la peine de leur lâcheté[1]. »


Style d’Hippocrate.


Le style d’Hippocrate est, comme on le voit, la simplicité même, mais une simplicité qui n’exclut pas des qualités éminentes, et qui s’associe admirablement avec la vigueur et la concision. Ce style atteint à la haute éloquence et à la poésie, dans les traités où Hippocrate trace les devoirs du médecin, de cet homme qu’il compare à un dieu, sans s’apercevoir qu’il était lui-même ce dieu parmi les hommes. La formule de serment qu’il a rédigée a la majesté et le ton d’Un hymne religieux : « Je jure par Apollon médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, je prends à témoin tous les dieux et toutes les déesses, de tenir fidèlement, autant qu’il dépendra de mon pouvoir et de mon intelligence, ce serment et cet engagement écrit ; de regarder comme mon père celui qui m’a enseigné cet art, de veiller à sa subsistance, de pourvoir libéralement à ses besoins ; de considérer ses enfants comme mes propres frères ; de leur apprendre cet art sans salaire et sans aucune stipulation, s’ils veulent l’étudier… Je conserverai ma vie pure et sainte aussi bien que mon art… Si je tiens avec fidélité mon serment, si je n’y fais point défaut, puissé-je passer des jours heureux, recueillir les fruits de mon art, et vivre honoré de tous les hommes et de la postérité la plus reculée ; mais, si je viole mon serment, si je me par-jure, que tout le contraire m’arrive[2] ! »

Hippocrate fait une guerre impitoyable aux charlatans, à tous les médecins prétendus qui compromettent la dignité de

  1. Hippocrate, des Airs, etc., chapitre XVI
  2. Hippocrate, Serment, passim.