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ORIGINES DU THÉÂTRE GREC.

quand il fallait qu’il se mêlât au dialogue, et donnant à ses subordonnés le signal qui réglait leurs chants et leurs danses.

Les décorations de la scène représentaient d’ordinaire la façade d’un palais ou d’un temple, et, dans une perspective plus éloignée, les tours de quelque ville, une échappée sur la campagne, des montagnes, des arbres, une grève au bord de la mer. D’une tragédie à une autre, et même d’une tragédie à un drame satyrique, la décoration principale restait, à peu de chose près, ce qu’on l’avait vue auparavant, parce que le lieu de la scène était toujours en plein air, par conséquent dans des conditions analogues, sinon parfaitement identiques. On se contentait de retrancher tel ou tel objet, d’en ajouter quelque autre, un tombeau par exemple, et d’ouvrir, au besoin, la porte du temple ou celle du palais, s’il était nécessaire de voir ce qui se passait à l’intérieur. Les décorations latérales, dressées sur des échafaudages à trois faces et tournant sur pivot, pouvaient changer à vue, et présenter successivement leurs tableaux les plus appropriés aux lieux décrits ou simplement nommés dans les vers du poëte.

Les machinistes anciens obtenaient, par des moyens plus ou moins savants, des résultats frappants et presque merveilleux. Ils imitaient la foudre et les éclairs, l’incendie ou l’écroulement des maisons ; ils faisaient descendre les dieux du ciel dans des chars ailés, sur des gryphons, sur toute sorte de montures fantastiques. Leur art, dès le temps d’Eschyle, devait avoir fait déjà de grands progrès. On voyait, dans le Prométhée enchaîné, le chœur des Océanides arriver, suivant son expression, par la route des oiseaux, et porté tout entier sur un char volant. On voyait leur père, le vieil Océan, à cheval sur un dragon ailé. Mais les comédies d’Aristophane supposent de vrais prodiges. Les imaginations les plus étranges, des choses à peine aujourd’hui possibles sur notre scène, y sont à chaque instant données comme des réalités que les spectateurs avaient sous les yeux : des hommes, par exemple, déguisés en guêpes, en grenouilles, en oiseaux, en nuées, jouant ces rôles sur la scène, ou planant au-dessus de la tête des personnages empruntés à notre humanité vulgaire.