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LA POÉSIE GRECQUE AVANT HOMÈRE.

dire autant de tous les chants analogues : de l’ialémus par exemple, qui n’était que le linus lui-même sous un autre nom ; du scéphrus, dont parle Pausanias ; du chant d’Adonis, dont nous pouvons encore saisir, dans Théocrite, le symbolique caractère. Tous ces chants, où l’on pleurait traditionnellement le trépas prématuré de quelque adolescent enfant des dieux, ne sont vraisemblablement que le même mythe avec des variantes, que la même pensée revêtue du costume de pays ou de temps divers.


Le Péan.


« Thétis elle-même ne gémit plus ses lamentations maternelles, quand retentit, ié Péan ! ié Péan ! » Ces paroles sont de Callimaque. Elles expriment avec une heureuse vivacité le sens qu’on attachait à l’exclamation si fréquemment répétée dans les hymnes en l’honneur d’Apollon. Ié Péan ! était par excellence le cri de la joie. Le passage est d’autant plus précieux qu’en opposition à ce cri, le poëte rappelle, dans le mot grec que j’ai traduit par lamentations (αἴλινα), les chants de deuil dont nous parlions tout à l’heure. Je n’hésite point à compter ié Péan ! au même titre qu’hélas, Linus ! parmi les débris ou plutôt les vestiges de la primitive poésie des Grecs. Péan (παιάν, παιών, παιήων, suivant le dialecte), c’est le dieu qui guérit ou soulage ; c’est le dieu de la lumière et de la vie, autrement dit Phoebus (ψώς, βίος) ; c’est le soleil bienfaisant. L’hymne en l’honneur de ce dieu se nommait péan, comme le dieu lui-même. C’était la coutume, en cette saison de l’année où les frimas disparaissent, où la nature se ranime aux feux du soleil, où partout recommence à circuler la vie avec la lumière, de chanter des péans printaniers, comme on les appelait, c’est-à-dire des hymnes d’actions de grâces au dieu qui guérissait la nature, engourdie et comme morte durant les mois d’hiver. Voilà le vrai péan, le péan sous sa forme originelle et dans son rapport avec les vieilles traditions mythologiques, celui dont le cri d’ié Péan ! fut la base et demeura toujours le refrain, l’indispensable accompagnement. Mais il faut faire aussi remonter aux temps