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ANCIENNE COMÉDIE.

à cent victoires désastreuses. La rude population du dème d’Acharne, composée presque tout entière de bûcherons et de charbonniers, était la plus animée contre les Lacédémoniens, la plus infatuée de passions belliqueuses. On voit pourquoi Aristophane a mis en scène des hommes d’Acharne, et pourquoi la pièce porte ce titre, les Acharniens. Donc, l’Acharnien Dicéopolis, c’est-à-dire, comme l’indique son nom, le bon citoyen, l’homme de bien qui connaît les droits et les devoirs de la justice, est un ami de la paix comme Aristophane. Voyant qu’il ne peut faire partager ses idées à personne, il imagine de conclure un traité avec les Lacédémoniens, pour lui seul et sa famille. Pendant que tout le reste de l’Attique souffre mille maux, sa maison devient un séjour de plaisir et de bombances. Tous les habitants des contrées voisines de l’Attique apportent en foule leurs denrées au marché ouvert par Dicéopolis. Une irruption soudaine des ennemis appelle les Athéniens aux combats : Dicéopolis, qui a fait sa paix, ne s’occupe que d’un pique-nique où il doit ce jour-là prendre part. D’un côté du théâtre, le général Lamachus prépare son harnais de guerre et tout l’attirail de la tuerie ; de l’autre, Dicéopolis fait plumer la grive et apporter le pot au vin. On part des deux côtés, mais pour revenir bientôt : Lamachus, la tête fêlée, le pied brisé, geignant et se lamentant, soutenu par deux de ses soldats ; Dicéopolis, conduit par deux jeunes filles complaisantes, riant, chantant, se gaudissant, ivre déjà et buvant encore.

En 425, Aristophane donna les Chevaliers, pièce ainsi nommée à cause des personnages qui formaient le chœur, et qui étaient d’une classe de citoyens particulièrement odieuse à Cléon : c’étaient les chevaliers qui lui avaient fait rendre ses comptes, et dégorger cinq talents qu’il avait pris indûment pour lui. Voici en quelques mots l’esquisse de la comédie. Le vieux bonhomme Peuple a deux esclaves fidèles et dévoués, Démosthène et Nicias ; mais Cléon, un de leurs camarades, un Paphlagonien, un corroyeur, un vil scélérat, s’est emparé de d’esprit du vieillard, et le gouverne à son gré. Pour combattre l’influence du corroyeur, les deux esclaves fidèles se servent d’un charcutier, plus fripon, plus outrageux, plus