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LA POÉSIE GRECQUE AVANT HOMÈRE.

le premier chanta l’élinus sur le tombeau même du fils d’Uranie. Le fait en soi est une fable ; mais la tradition atteste au moins la prédilection de cet aède pour les chants lugubres, puisqu’on lui attribuait l’invention de l’élinus.

Le sanctuaire de Delphes, consacré à Apollon Pythien, ne pouvait manquer d’avoir ses aèdes. On y conservait le souvenir de Philammon, l’inventeur de ces chœurs de vierges qui chantaient la naissance des enfants de Latone et les louanges de leur mère. On y contait que Chrysothémis, un Crétois, avait le premier chanté l’hymne à Apollon Pythien, vêtu du magnifique costume de cérémonie que portèrent depuis les joueurs de cithare aux jeux Pythiques. Délos avait aussi, comme Delphes, ses chantres religieux. Olen, le plus célèbre, était, suivant la légende, Lycien ou Hyperboréen, c’est-à-dire né dans un pays où Apollon aimait à faire son séjour. Olen passait pour l’auteur de l’hymne en l’honneur des vierges Opis et Argé, compagnes d’Apollon et de Diane. Il était venu, disait-on, de Lycie à Délos, et c’est lui qui avait composé la plupart des anciens hymnes qui se chantaient dans cette île. On lui attribuait aussi des nomes. C’était probablement une sorte de stances fort simples, combinées avec certains airs fixes, et propres à être chantées dans les rondes d’un chœur. Enfin c’est à Olen que quelques-uns rapportent l’invention du vers épique, ou dactylique hexamètre. Si cette opinion a quelque fondement, Olen serait antérieur même aux aèdes thraces dont nous avons parlé plus haut ; car tous les vers qui ont couru sous leur nom sont précisément des hexamètres, et prouvent, authentiques ou non, que c’était un mètre dont ils avaient dû se servir. Mais il ne semble guère permis d’établir aucune chronologie sur des paroles aussi vagues que celles de la prêtresse Bœo, citées par Pausanias : premier aède de vers épiques (επέων). L’épos, ou vers épique, qui donna plus tard son nom à l’épopée, est aussi ancien, d’après toute vraisemblance, que la poésie grecque elle-même. Il fut le seul vers en usage pendant des siècles et pour tous les genres de poésie, non-seulement avant Homère mais jusqu’au temps de Callinus et de Tyrtée.

La Grèce avait emprunté à la Phrygie quelques instru-