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CHAPITRE XXIX. XÉNOPHON.

d’un véritable génie. Je veux parler de Xénophon, l’auteur de tant d’ouvrages si divers et si justement estimés.

Xénophon fils de Gryllus naquit à Erchie, un des bourgs de l’Attique, vers l’an 445 avant nôtre ère. À dix-huit ans, il commença à suivre les leçons de Socrate, et il demeura, durant de longues années, un de ses plus assidus auditeurs. En 424, à la bataille de Délium, Socrate lui sauva la vie. Poussé par l’esprit d’aventure et par le désir de s’instruire, Xénophon, âgé de plus de trente ans, se mit à voyager, et finit par s’engager au service de Cyrus le Jeune. C’est lui qui ramena d’Asie, après la bataille de Cunaxa, l’armée des Dix Mille, dont les principaux chefs avaient péri. Quand il rentra à Athènes, Socrate venait d’expirer. Xénophon avait déjà publié quelques opuscules : la mort de son maître bien-aimé décida sa vocation d’écrivain. Il composa l’Apologie de Socrate, et l’intéressant recueil des conversations du philosophe, intitulé Mémoires de Socrate, nouvelle apologie, plus naïve et plus complète, et grâce à laquelle la monstrueuse sentence fut appréciée bientôt comme elle le méritait et les accusateurs de Socrate plongés à jamais dans l’infamie.

Le spectacle des déportements de la démagogie athénienne remplissait l’âme de Xénophon d’amertume et de dégoûts. Il s’était lié d’amitié avec le roi de Sparte Agésilas, dont il admirait le grand caractère ; et les institutions de la ville de Lycurgue séduisaient son esprit, ami avant tout de l’ordre, de la justice, de la simplicité. Suspect de laconisme, comme on disait, c’est-à-dire de partialité pour les Lacédémoniens, le premier prétexte qu’il donna contre lui fut saisi avec passion : un décret public lui interdit le retour, dès qu’il fut parti pour rejoindre Agésilas, qui faisait la guerre en Asie. Il se regarda désormais comme un véritable Lacédémonien, et il n’hésita point à prendre parti contre Athènes, dans les querelles intestines de la Grèce. En 394, à Coronée, il combattait à côté d’Agésilas. Mais là finit sa vie publique. Les Spartiates lui avaient donné des biens en Élide, à Scillunte près d’Olympie : il se retira sur ses domaines, et il y vécut en repos jusqu’à une extrême vieillesse, occupé d’agriculture et de chasse, et composant ces livres qui lui ont fait