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XÉNOPHON.

teurs de l’atticisme ; mais on ne le lirait plus guère aujourd’hui, car il n’avait point ce feu sacré sans lequel il n’est pas d’orateurs. Xénophon ne manquait pas d’imagination, mais de cette imagination qui ne convient qu’aux genres tempérés. Il était presque tout raison, si je ne puis dire. Cette raison s’animait assez pour n’être point froide ; mais jamais Xénophon ne connut la passion ni l’enthousiasme. Il a décrit lui-même, bien mieux que ne l’ont fait tous les critiques anciens ou modernes, le caractère particulier de son style et de ses ouvrages. C’est dans le dernier chapitre du traité de la Chasse. Au lieu de discourir, après tant d’autres, sur des qualités qui ne nous sont pas parfaitement sensibles, je traduirai cette page, curieuse à plus d’un titre, car on y trouve l’opinion personnelle de Xénophon sur ces sophistes qui nous ont occupés :

« J’admire que ces hommes appelés sophistes prétendent pour la plupart guider les jeunes gens à la vertu, tandis qu’ils les mènent au vice. Car nous n’avons encore vu personne que les sophistes du jour aient rendu homme de bien ; et eux-mêmes ne publient pas d’écrits dont la lecture puisse faire des hommes vertueux. Ils n’ont presque jamais composé que des ouvrages frivoles, qui ne servent qu’à amuser inutilement la jeunesse, et où la vertu n’entre pour rien. Ceux qui espéraient vainement y trouver quelque instruction solide perdent leur temps à les lire : ils n’ont plus le goût des études utiles, ils apprennent des choses mauvaises. Je reproche fortement aux sophistes des torts aussi graves. Mais je les blâme aussi de remplir leurs écrits d’expressions recherchées, et jamais de bonnes pensées capables de former les jeunes gens à la vertu. Pour moi, je ne suis qu’un homme vulgaire ; mais je sais que la première instruction morale vient de la nature même : après elle, il faut consulter les hommes vraiment sages et éclairés, et non pas ceux qui ne connaissent que l’art de tromper. Peut-être mon style est-il dépourvu d’élégance. Je ne suis point jaloux d’un tel avantage, mais j’ai à cœur de tracer les leçons nécessaires à ceux qui se forment à la vertu. Or, ce ne sont pas des mots qui peuvent instruire, ce sont des pensées, si elles sont bonnes. Bien d’autres que