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XÉNOPHON.

ceaux brillants. Les portraits, même celui de Cyrus, sont dans une manière simple et un peu nue, et ne tranchent pas sur le reste de l’ouvrage. Les harangues ne sont guère que ce qu’elles ont dû être dans la réalité, des exhortations, des conseils, des explications, comme en comportaient et les circonstances, et les habitudes d’une armée composée de volontaires. L’historien ne s’oublie point non plus à décrire en détail les pays qu’il a traversés, ni à faire de complets tableaux des mœurs et de la physionomie des peuples qui les habitent : quelques traits lui suffisent, et ceux-là seulement que le lecteur a besoin de connaître pour comprendre la nature des obstacles dont les Dix Mille eurent à triompher. Ce qui charme surtout, c’est la modestie du narrateur, qui avait eu lui-même une part si grande dans le salut de ses frères d’armes ; c’est son courage, c’est sa persévérance indomptable ; c’est cette piété non affectée, qui lui fait voir toujours présente une sorte de providence divine, et qui lui fait naïvement rapporter à quelque inspiration d’en haut les résolutions généreuses et énergiques que lui dictait l’héroïsme de son cœur. L’homme avait été grand dans de terribles conjonctures : l’historien n’est pas demeuré indigne de l’homme.

Xénophon, qui avait publié l’ouvrage de Thucydide, en a écrit la continuation, et il a poussé son récit jusqu’à la bataille de Mantinée. Les Helléniques, c’est le titre de cette histoire divisée en sept livres, n’ont guère d’importance que par la pénurie de renseignements où nous sommes relativement à ce demi-siècle dont elles comblent à peu près la lacune. C’est un récit incomplet, sans trop de suite, généralement peu impartial, et où l’on ne reconnaît pas toujours l’esprit, sinon la main, de l’auteur de l’Anabase. Il faut plus que de la bonne volonté pour y trouver, comme font quelques-uns, rien qui rappelle la marche d’Hérodote et sa manière. Ce n’est pas Hérodote qui aurait si légèrement glissé sur des événements tels que la paix d’Antalcidas et la bataille d’Égos-Potamos ; ce n’est pas lui surtout qui aurait oublié, comme fait trop souvent l’historien, les noms glorieux de Pélopidas, d’Épaminondas, de Conon, de Timothée. Il faut bien dire que Xénophon, à quatre-vingts ans passés, avec ses préjugés politiques,