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CHAPITRE XXIX.

et dans une retraite où les moyens d’information devaient lui faire un peu défaut, n’était pas à la hauteur d’une tâche qui eût exigé des recherches considérables, un jugement ferme et presque intrépide, quelque chose de doux à tous les bons, de rude à tous les méchants, Thucydide enfin avec sa soif du vrai et son âme puissante. Ce n’est pas que la faiblesse de l’âge s’y fasse remarquer par l’affaiblissement du style. C’est quelquefois encore la narration de Xénophon, agréable, variée, pleine de naturel et de grâce ; et c’est toujours la diction de celui qu’on regardait comme le plus charmant des prosateurs attiques. Mais il s’agissait, dans un si grand sujet, d’autre chose que de récits bien faits et de bon style.

Xénophon n’était guère plus à l’aise quand il écrivait son Agésilas, quoique ce fût l’éloge d’un ami et le récit d’une vie qu’il connaissait très-bien. Le ton oratoire ne lui va qu’à demi. D’ailleurs il y avait, dans un tel panégyrique, si vrai qu’il fût au fond, mainte occasion de blesser la vérité de l’histoire, la vérité vraie ; et c’est à quoi Xénophon, en plus d’un lieu, n’a pas manqué, non point sciemment mais par un effet de ses préoccupations laconiennes.

La Cyropédie, qui est aussi une œuvre de l’extrême vieillesse de Xénophon, est celle pourtant où il a le mieux déployé toutes les ressources de son esprit, tous les agréments de sa narration et de son style. C’est soi-disant, comme l’annonce le titre, le tableau de l’éducation du grand Cyrus et l’histoire de sa vie ; mais la fiction tient dans ce tableau et dans cette histoire plus de place que la réalité. C’est une sorte de roman historique en huit livres, où personnages et épisodes, fort intéressants d’ailleurs, ne ressemblent pas beaucoup à ce que nous savons de plus certain et sur les événements qui ont troublé le monde oriental au sixième siècle, et sur le caractère des hommes qui ont figuré dans ces révolutions. Xénophon a voulu donner à ses contemporains des leçons de politique et de morale, bien plus que leur narrer les faits et gestes de Cyrus et de son peuple. Aussi a-t-il transformé les barbares en hommes parfaitement policés, en savants, en philosophes. Les Perses de l’ancien temps sont une sorte d’idéal qu’il présente à l’admiration et aux méditations de la Grèce