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CHAPITRE XXXI.

blie parmi nous depuis plusieurs siècles. D’ailleurs, tu sais la maxime qui de tout temps est dans la bouche de tout le monde. — Quelle est-elle ? — C’est que le plus grand bien est de ne pas naître, et que la mort est préférable à la vie. Les dieux ont souvent confirmé cette maxime par leur témoignage, et particulièrement lorsque Midas, ayant pris un Silène à la chasse, lui demanda ce qu’il y avait de meilleur et de plus désirable pour l’homme. D’abord le Silène refusa de répondre, et garda un silence obstiné. Enfin, Midas ayant mis tout en œuvre pour le forcer à le rompre, il se fit violence, et il proféra ces paroles : « Fils éphémères d’un dieu terrible et d’une Fortune jalouse, pourquoi me forcer de vous dire ce qu’il vous vaudrait mieux ignorer ? La vie est moins misérable lorsqu’on ignore les maux qui en sont l’apanage. Les hommes ne peuvent avoir ce qu’il y a de meilleur, et ils ne a sauraient participer à la nature la plus parfaite. Ce qui vaudrait mieux pour eux, c’est de n’être pas nés. Le second bien après celui-là, et le premier entre ceux dont les hommes sont capables, c’est de mourir de bonne heure. »

L’Eudème était, pour ainsi dire, le Phédon, d’Aristote. Aristote y établissait, par des arguments à lui, la doctrine de son maître sur la nature de l’âme et sur ses destinées après cette vie. Les autres dialogues étaient, pour la plupart, des traités moraux. Dans quelques-uns aussi Aristote avait discuté, et toujours au sens platonicien, les questions relatives à l’art oratoire. Le Gryllus, par exemple, était une appréciation sévère de l’enseignement des sophistes, et comme un dernier écho des belles discussions du Gorgias et du Protagoras.


Traités populaires.


On dit qu’Aristote abandonna dès sa jeunesse la forme du dialogue, parce qu’il désespérait de jamais égaler Platon. Mais il ne fit pas pour cela divorce avec les Grâces ; et l’homme qui, à quarante ans, cultivait encore la poésie, et la poésie lyrique, conserva, assez longtemps après la mort de Platon, le goût du beau style et de l’élégance littéraire. Il est probable que la plupart des traités qu’il écrivit sous la