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CHAPITRE XXXII.

nous ne la voyons nulle part dans les œuvres d’Isocrate, et nul ne nous l’y fera jamais voir. Non, certes, Isocrate n’était pas un homme médiocre. C’est un homme consommé dans l’art de bien dire, même quand il ne dit rien ; c’est, si l’on veut, un artiste éminent, si toutefois on peut donner ce titre à un contempteur de la vérité, à un sophiste, à un homme qui pensait fort peu, qui sentait moins encore, et qui n’a guère eu d’autre passion qu’une vanité égoïste et l’amour du lucre et des plaisirs. Il suffit, pour juger Isocrate, de lire l’interminable préambule du discours où il exhorte Philippe à pacifier la Grèce, c’est-à-dire à l’asservir, et à tourner contre l’Asie les armes réunies de tous les peuples helléniques. Ce qui occupe principalement, presque uniquement, ce prétendu politique et ce prétendu orateur, c’est la crainte de n’avoir pas mis peut-être dans son style tous les agréments que Philippe aimerait à y trouver. Il finit même par s’écrier, avec une feinte modestie : « Si seulement mon discours était écrit avec cette variété de nombre et de figures dont jadis je connaissais l’usage, et que j’enseignais à mes disciples en leur montrant les secrets de mon art ! Mais, à mon âge, on ne retrouve plus ces tours. »

Il y a longtemps, bien longtemps, que ce qui précède a été écrit, et qu’on l’a imprimé pour la première fois. J’ai eu l’occasion depuis de rendre à Isocrate meilleure justice. C’est en 1863, à l’occasion de l’Antidosis, publiée par M. Ernest Havet. Je donne ici cette étude nouvelle, qui servira à la première de correctif et de complément. C’est presque une palinodie : cependant tout n’est pas faux dans ce qu’on vient de lire.


L’Antidosis.


Isocrate était riche, et on avait oublié de l’inscrire dans la liste des trois cents citoyens tenus d’équipes à leurs frais des bâtiments de guerre, et chargés des services publics les plus onéreux. Un certain Mégaclide, porté au rôle pour l’armement d’une trirème, dénonça Isocrate comme plus riche que lui ; et Isocrate fut condamné ou à s’acquitter de la triérarchie, ou à échanger, aux termes de la loi, sa fortune contre