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ESCHINE. DÉMOSTHÈNE.

de Démosthène, se préparait à accuser en forme Eschine devant le peuple. Mais Eschine prévint Timarque, et le fit condamner lui-même, en vertu de la loi de Solon qui dégradait des privilèges civiques les prodigues et les hommes de mœurs infâmes. Nous possédons le plaidoyer contre Timarque, un des plus virulents discours, un des plus cruels et des plus habiles qu’on ait jamais prononcés, mais dont il n’est guère possible de rien transcrire, bien qu’il nous soit parvenir adouci par Eschine lui-même dans quelques passages, qui étaient d’abord plus violents et plus outrageux, s’il est possible, que nous ne les lisons aujourd’hui.

Peu de temps après, en 442, Démosthène accusa publiquement Eschine, non pas précisément de trahison, mais de prévarications politiques, et conclut contre lui à la peine de mort. C’est ce qu’on nomme le procès de l’Ambassade. Eschine prouva facilement qu’il n’avait pas manqué à ses instructions dans sa mission auprès de Philippe, et que les arguments de son adversaire se réduisaient, malgré les apparences, à des présomptions, à des soupçons, à des calomnies. Son discours, que nous possédons, est une réponse péremptoire à celui de Démosthène, que nous possédons aussi ; mais c’est une œuvre moins passionnée et moins vivante. Avec plus d’ordre et de précision dans le récit des faits, avec plus de finesse et plus d’esprit, et malgré la vérité qu’il avait pour soi, ou plutôt à cause de cette vérité même, Eschine est resté un peu froid, surtout quand on le lit après Démosthène. Il gagna sa cause ; mais l’impression produite par les éloquentes invectives de Démosthène semble avoir affaibli considérablement dès lors l’autorité morale d’Eschine.


Procès de la Couronne.


Le procès de la Couronne, qui ne se termina qu’en 330, et où Eschine fut vaincu, marque l’apogée et la fin de sa carrière oratoire. Voici de quoi il s’agissait. Un citoyen nommé Ctésiphon avait proposé de décerner à Démosthène une couronne d’or, pour le récompenser de ses services, et de la lui mettre sur la tête dans le théâtre, en présence de tout le