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CHAPITRE XXXV.

tableaux tout fantastiques, uniquement destinés à charmer les yeux et les oreilles, comme seraient les Oiseaux réduits à la mesure fixée par les Trente. Épicharme eut sans doute des émules ; et les poëtes se dédommagèrent sur les dieux de la retenue que la loi leur imposait à l’égard des hommes. Qui sait ? c’est peut-être aux auteurs de la Comédie moyenne que nous devons l’Amphitryon, sous la forme que Plaute lui a conservée. Ils auront remanié la satire d’Épicharme ; ils l’auront développée davantage ; ils lui auront donné plus de mouvement et d’action. Cela est vraisemblable, à moins qu’on attribue à Plaute lui-même le travail par lequel l’œuvre sicilienne est devenue presque aussi compliquée que le sont nos propres comédies. Je crois aussi qu’on essaya, dès ce temps-là, d’introduire dans la comédie quelque chose de cet intérêt dramatique auquel avaient largement suppléé jadis les licences de toute sorte et les personnalités ; et Aristophane avait encore fourni le premier modèle. Il y avait dans le Cocalus, la dernière pièce qu’il eût écrite, une séduction et une reconnaissance, par conséquent une sorte d’intrigue romanesque, analogue à celles qu’offrent les pièces latines imitées de la Comédie nouvelle. Mais la ressource capitale de la Comédie moyenne, c’était la critique philosophique et littéraire. Les poëtes ne s’enflamment plus comme autrefois pour ces grands intérêts qui partageaient la république. Ce qui les passionne, c’est la lutte des systèmes, ce sont les rivalités des philosophes, ce sont les prétentions des rhéteurs tenant école et se dénigrant les uns les autres. L’Académie et le Lycée, le Portique et toutes les autres sectes, sont la pâture du théâtre. Il va sans dire quels poésie, surtout la poésie sérieuse, n’échappe pas aux railleries des poëtes comiques. Quelques-uns pensent que la satire s’en tenait aux choses et épargnait les personnes. Pourtant les noms propres ne manquent pas dans les vers qui nous restent de la Comédie moyenne, et des noms qui étaient portés par des personnages alors vivants ; et l’on verra tout à l’heure que la comédie ne les citait pas toujours pour faire plaisir à ceux qui les portaient. Les poëtes comiques s’égayèrent plus d’une fois aux dépens des philosophes eux-mêmes, que