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CHAPITRE XXXVI.


Caractère de la Comédie nouvelle.


C’est dans les comiques latins, surtout dans Térence, qu’il faut chercher à se faire une idée du système dramatique de la Comédie nouvelle. Quatre des pièces de Térence sont traduites ou imitées de Ménandre, et les deux autres d’Apollodore. Térence nous apprend lui-même de quelle façon il s’y prenait avec ses modèles. Comme les pièces grecques étaient, en général, trop courtes pour remplir la mesure latine des cinq actes, et trop simples d’intrigue pour intéresser suffisamment les grossiers spectateurs du théâtre de Rome, il réduisait deux pièces grecques en une seule, ou plutôt il allongeait et compliquait la pièce traduite ou imitée, en y introduisant des scènes et des personnages empruntés à quelque autre comédie.

Voici à peu près à quoi se réduisait le thème dramatique, dans la plupart des pièces de Ménandre et de ses émules : une fille abandonnée en bas âge, ou enlevée à ses parents ; un jeune homme qui s’amourache d’une étrangère, et qui refuse l’épouse qu’on lui a choisie ; une reconnaissance qui fait découvrir, dans l’étrangère prétendue, quelque Athénienne bien née ; un mariage enfin, qui arrange tout, et qui rend tout le monde plus ou moins content. Sur ce canevas, se dessinaient un certain nombre de caractères, qu’on voyait presque invariablement passer d’une comédie dans une autre : le père avare et dur, tyran domestique, ou le père faible et complaisant ; la mère de famille raisonnable, ou la femme grondeuse, impérieuse, et qui rappelle à satiété qu’on ne l’a pas prise sans dot ; le fils de famille, dissipateur, léger, presque débauché, mais plein, au fond, de probité et d’honneur, et capable d’un véritable amour ; l’esclave rusé, qui aide le fils à soutirer l’argent du bonhomme de père ; le parasite, alléché par l’espoir de quelques bons repas ; le sycophante, qui brouille les affaires pour pêcher en eau trouble ; le soldat fanfaron, brave en paroles, poltron en réalité, qui vante ses exploits apocryphes et raconte de fabuleuses campagnes ; le marchand d’esclaves et l’entremetteuse, deux personnages sans foi, sans probité ni vergogne ; la jeune fille