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CHAPITRE XXXIX.

nologique, par l’étendue des recherches, par l’abondance des détails ; mais ces qualités précieuses étaient contre-balancées par de très-grands défauts. Le style de Timée manquait de simplicité. Cet historien avait mérité malheureusement d’être compté parmi les modèles de ce qu’on nommait l’éloquence asiatique, c’est-à-dire l’éloquence à la façon des orateurs ou plutôt des rhéteurs de l’école dégénérée d’Eschine. Un reproche bien autrement grave, que quelques-uns lui adressaient, c’était d’aimer à conter des fables, de manquer trop souvent d’impartialité, et de voir de préférence le mauvais côté des actions humaines.

Polybe, qui a pris le récit des événements au point même où l’avait laissé Timée, est très-sévère pour l’historien dont il se donne à plusieurs reprises pour le continuateur. Le douzième livre de son ouvrage, ou du moins ce qui reste de ce douzième livre, est presque tout entier consacré à la critique de l’ouvrage de Timée. Polybe va jusqu’à dire que Timée ne se trompe pas toujours involontairement ; et il cite quelques faits qui prouvent, chez son devancier, un médiocre respect pour la vérité vraie. Il se moque avec beaucoup d’esprit et des longues harangues que Timée prêtait contre toute vraisemblance à ses personnages, et de ce patriotisme ridicule qui lui représentait la Sicile comme plus importante à elle seule que la Grèce entière, et tout ce qui se faisait en Sicile comme uniquement digne d’occuper le monde, et les Siciliens comme le plus sage des peuples, et les Syracusains comme les premiers des hommes et les plus propres aux grandes entreprises : « De telle sorte, ajoute Polybe, qu’il ne laisse guère aux enfants de nos écoles, ou à des jeunes gens échauffés par le vin, chance de le surpasser en raisonnements bizarres, dans quelque panégyrique de Thersite, ou dans une diatribe contre Pénélope, ou dans tout autre paradoxe de ce genre. » Mais l’imperfection sur laquelle Polybe insiste particulièrement, c’est que l’ouvrage de Timée n’était qu’une rédaction faite d’après d’autres ouvrages, et que Timée n’avait jamais été qu’un homme de cabinet, étranger à l’art militaire, à la politique, dénué par conséquent des plus essentielles qualités du grand historien. Voici quelques ré-