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CHAPITRE XXXIX.

neuvième appartiennent, par la forme du vers et un peu par la couleur de l’idiome, à certaines variétés de la poésie lyrique des Éoliens, celles où dominaient les combinaisons du trochée et de l’ïambe.


Idylles bucoliques.


Il nous importe assez peu que Théocrite ait été le premier poëte bucolique, ou que tels et tels aient essayé avant lui de faire parler des bergers. C’est à peine si on sait les noms des prédécesseurs de Théocrite. Il nous suffit que Théocrite est le poëte bucolique par excellence. D’ailleurs, l’idée de faire parler des bergers n’avait par elle-même rien de bien original, après que tant de poëtes avaient déjà fait dialoguer entre eux des gens de tous états, et après que Sophron, dans ses mimes, s’était attaché à reproduire les allures, l’esprit, le langage des classes populaires.

Théocrite est le seul des poëtes bucoliques aujourd’hui connus qui ait peint les bergers d’après nature : je veux dire que Théocrite avait sous les yeux, dans son pays, des chevriers, des pâtres, des bouviers, musiciens et chanteurs ; que les figures qu’il a tracées avaient leurs types plus ou moins parfaits dans la réalité même, et qu’il s’est borné à faire sur eux ce que les poëtes dramatiques faisaient pour mettre en scène des fils de famille, des esclaves fripons, des prostitueurs, des sycophantes ou des soldats. Il a élevé ses modèles à la dignité de l’art. Tous les autres poëtes bucoliques ont imité ou Théocrite ou les imitateurs de Théocrite ; ou bien encore ils ont créé un monde pastoral complètement imaginaire. Il n’est donc pas étonnant que la plupart d’entre eux n’aient guète fait que des œuvres factices, sans vie, sans intérêt, et qui ne sont pas plus comparables à celles du poëte syracusain que la nuit ne l’est au jour.

Les bergers de Théocrite n’ont pas plus d’esprit qu’on ne leur en peut supposer, et ils n’ont que la sorte d’esprit qui se développe spontanément dans la vie la moins sophistiquée. C’est une finesse naïve et gracieuse, ce n’est jamais du bel esprit. Ils sont passionnés, violents, outrageux même : Ce