Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
514
CHAPITRE XLII.

non un homme de génie. Parmi les quatre-vingts discours ou dissertations qui nous restent de lui, il y en a qui sont des morceaux remarquables : ainsi le Discours olympique, où Dion fait paraître Phidias expliquant devant les Grecs assemblés la composition de son Jupiter Olympien ; ainsi le discours intitulé Diogène, où il s’agit du gouvernement des États, et plusieurs autres encore. On reconnaît dans ces ouvrages un esprit formé par la lecture et la méditation des antiques modèles. La chaleur du style, un peu factice quelquefois, n’est pas toujours le produit du choc des mots. Dion avait des entrailles, comme il avait de la science et du courage ; et ses phrases, trop bien tournées peut-être, sont pleines souvent d’une vraie émotion. Si Dion s’était moins attaché à la forme, s’il n’avait point abusé de l’atticisme, s’il avait écrit avec plus d’abandon, et qu’il n’eût point affecté de tant platoniser, ou de reproduire les tours et les expressions de Xénophon et de Démosthène, il occuperait un rang élevé parmi les écrivains moralistes, sinon parmi les orateurs.


Histoire Eubéenne.


C’est dans les discours de Dion Chrysostome que se trouve le premier écrit en langue grecque qu’on puisse intituler roman ou nouvelle. L’Histoire Eubéenne est une charmante pastorale. C’est le tableau du bonheur champêtre de deux familles qui vivent, dans un canton désert de l’Eubée, du produit de leur chasse, des fruits de leur petit domaine et du lait de leurs troupeaux. J’ai surtout remarqué le naïf récit que fait un des deux pères du voyage qu’il avait été forcé de faire à la ville, pour répondre aux sommations des collecteurs d’impôts, qui avaient découvert leur existence, et qui avaient envoyé demander de l’argent. Le pauvre chasseur ne connaissait la ville que pour y avoir été conduit une fois, dans son enfance : « Je vis donc comme la première fois, dit-il, une foule de grandes maisons, environnées d’une forte muraille ; des bâtiments carrés d’une grande hauteur ; des tours sur le mur ; dans le port, des navires à l’ancre, et aussi immobiles que sur le lac le plus tranquille. On ne voit rien de pareil