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CHAPITRE XLV.

philosophiques plus ou moins sérieuses, des esquisses de morale, d’art ou de littérature. Il y a des dialogues qui n’ont pas grande importance, et qui ne valent que par l’exquise perfection d’un style digne de l’époque des grands prosateurs attiques ; mais quelques-uns sont des œuvres parfaites en leur genre, et dignes de figurer au premier rang, après les œuvres incomparables du grand Platon. Il n’est personne qui ne connaisse les Dialogues des Morts, le Songe, Toxaris, le Navire, et tant d’autres morceaux admirables à bien des égards.

Les opuscules où Lucien parle en son propre nom ne sont pas si célèbres que ses dialogues. Ce n’est pas pourtant que l’auteur y soit inférieur à lui-même. La Mort de Péréginus, par exemple, et la Vie d’Alexandre le faux Prophète, sont des récits fort agréables. Le traité sur la Manière d’écrire l’Histoire est un livre instructif, et en même temps un chef-d’œuvre de plaisanterie élégante et de bon goût.


Romans de Lucien.


Il y a surtout deux écrits de Lucien qui méritent une attention particulière. Ce sont deux romans. L’un est intitulé Histoire véritable, l’autre Lucius ou l’Âne. Mais ces deux romans sont aussi des satires ; et, ce que Cervantès a fait pour tourner en ridicule les récits extravagants des auteurs à la mode dans l’Espagne de Philippe III, Lucien l’avait fait pour dégoûter ses contemporains de livres bien plus extravagants encore que ne furent jamais les romans de chevalerie. Ceci soit dit sans aucune comparaison de ses deux opuscules avec la grande épopée des faits et gestes de l’ingénieux hidalgo de la Manche. Je note seulement la similitude de l’intention, et l’emploi du même moyen dans un but tout semblable.

Les romans à la mode, au temps de Lucien, rentraient tous à peu près dans deux catégories distinctes, les voyages imaginaires et les métamorphoses. L’Odyssée passait pour avoir fourni le type primitif de tous ces récits. Homère avait montré Circé changeant les hommes en bêtes. Le cadre gé-