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ÉCOLE D’ATHÈNES.

encore. L’hymne aux Muses, que je vais transcrire en entier, donnera une idée des transformations que Proclus faisait subir aux vieilles traditions. On verra que tout est nouveau dans ses prières, excepté les noms des divinités qu’il invoque, et que ce sont les dogmes de sa philosophie qu’il traduit poétiquement, alors même qu’il a l’air de marcher dans les chemins battus de la mythologie. C’est là ce qui fait le profond intérêt de ces vers ; c’est par là que cette poésie est vivante et immortelle, et comparable aux œuvres les plus admirées que nous ait léguées le génie littéraire de la Grèce. Proclus est un vrai poëte et un grand poëte ; non pas un des héros de la poésie, comme Homère ou Eschyle, mais un des plus grands après les premiers. C’est l’égal au moins de Cléanthe :

« Chantons, oui, chantons la lumière qui élève en haut les mortels : ce sont les neuf filles du grand Jupiter, les Muses à la voix harmonieuse. Quand nos âmes erraient au travers des abîmes de la vie, leurs livres salutaires les ont sanctifiées, et les ont préservées de l’atteinte funeste des terrestres douleurs. C’est par elles que nos âmes ont appris à s’élancer au-dessus des flots profonds de l’oubli, afin d’arriver pures vers l’astre associé à leurs destins, vers cet astre qu’elles ont abandonné jadis, lorsqu’elles tombèrent sur la plage de l’existence, follement éprises d’amour pour la matière. Quant à moi, déesses, calmez mes agitations tumultueuses, et enivrez-moi des paroles sensées des sages ; faites que la race des hommes impies ne puisse me dévoyer du sentier sacré, lumineux et fécond. Du sein de la foule sans règle et sans frein attirez continuellement vers la lumière sainte mon âme errante ; chargez-la des fruits de vos livres précieux, et accordez-lui de posséder toujours le don d’éloquence et de persuasion. Écoutez-moi, dieux qui tenez le gouvernail de la sagesse sacrée ; vous qui allumez dans les âmes des mortels la flamme qui les enlève en haut ; vous qui les ravissez au séjour des immortels, loin du gouffre ténébreux de ce monde, en les sanctifiant par les purifications des chants mystiques. Écoutez-moi, sauveurs puissants ; dans les saints livres montrez-moi la pure lumière ; dissipez le